• Qu’est-ce que tu veux faire plus tard ?

    Chaque fois qu’on m’pose cette question, j’ai la même réaction. J’regarde la personne fixement, sans broncher, ni sourire, ni aucun mouvement. Je vois comme un mur blanc devant moi et cette tête qui attend quelque chose de moi. Ce regard attentif et interrogateur, qui attend une réponse. Elle connaît la réponse, elle. C’est évident ! Mais moi j’reste impassible et je ne dis rien. Cette réponse-là, je préfère par la connaître. Alors j’bouge pas, je me tais et j’attends que ça passe…

    Ce que je veux faire plus tard, mais quoi ? Je dois bien avoir une idée ? Et bien non. Aucune idée. Même maintenant, j’sais pas trop quoi faire, alors « plus tard » …

    Même un rêve ? Quelque chose que j’aime bien faire ? Bien sûr, j’aime faire des tas de trucs. J’aime bien dessiner, monter aux arbres et surtout regarder les gens. Je peux rester des heures à les regarder marcher dans la rue, courant après leurs affaires et moi affairé à ne rien faire.

    Mais ce n’est pas un métier ça ! Et alors moi je reste fixe. Un métier ça sert à quoi ? Je souris pas. Surtout pas sourire. Ça donne l’air bête et les grandes personnes croient qu’on se moque d’elles quand on sourit. Je reste juste fixe, neutre, et j’attends que ça passe.

    Et là, au bout d’un moment, quelque chose se passe.

    Au début, ils te regardent avec l’air d’attendre quelque chose. Ils sont cloués à ta réponse, comme un acteur qui attend sa réplique. J’ai vu ça dans la salle du coin de la rue Saint Sauveur, dans la chambre un peu sombre tout au fond. Une fois tonton Raoul m’a laissé venir avec lui pour voir les acteurs répéter. Je dis tonton Raoul, mais en réalité c’est pas vraiment mon tonton, mais c’est tout comme. Il s’occupe de moi pendant la journée, quand j’ai rien à faire et qu’il me voit dans la rue tout seul à observer les gens. Et des fois il me laisse aller voir les acteurs. Et les acteurs, quand ils ont oublié leur texte, ils sont bien embêtés. Et ils restent figés, comme pris au piège par leur mémoire, et nerveux. Ils attendent impatiemment qu’on leur souffle leur réplique et que le jeu puisse continuer, comme avant.

    Et ceux-là me regardent avec les mêmes yeux impatients, en attendant de pouvoir continuer le jeu des réponses-bien-comme-il-faut.

    Puis, voyant que rien ne se passe, ils prennent un air un peu perplexe. Ils s’étonnent. Reposent la question. Pensent que tu n’as pas compris. C’est qu’ils doivent mettre une étiquette sérieuse sur cette petite bouille. Lui donner un rôle dans la société. Me donner la place qui convient.

    « Ah, il sera ingénieur, quel beau métier ! » « Et une belle condition ! »

    Mais là, le point d’interrogation reste en suspension…

    Puis voyant que rien ne se passe, ils te regardent d’un air inquiet, suspicieux. Ils se doutent que tu es trop timide, ou simplement stupide. Mais après un certain temps, si tu ne te démonte pas et reste bien fixe et déterminé, alors une chose nouvelle apparaît dans leurs yeux.

    Ça ne dure qu’une seconde généralement. Avant qu’ils ne te laissent tranquille et passent à autre chose. Mais pendant cette seconde, je reconnais leur propre doute…

    Comme j’aimerai savoir à quoi ils pensent à ce moment. Ce qui leur fait si peur chez un petit garçon têtu comme moi. Ou peut-être ont-ils peur d’eux-mêmes ? Comme quand Guido coupe les cheveux de ses clients et qu’il leur apporte un miroir à la fin, fier de son résultat. Ils ont toujours une expression sur le visage bien particulière. Comme eux, à ce moment. Pendant cette fameuse seconde…

    Moi ça me fait bien rire. Les grandes personnes et leurs soucis. Ils essaient tous de le cacher, mais ce regard, pendant cette seconde, ils l’ont tous… Plus ils sont sérieux et plus cette seconde prend son sens. Le doute résonne. Mon oncle Miguel m’a dit que c’était l’argent qui faisait ça. Les bouts de papier qu’on donne pour avoir le droit de boire une bière, avec lui, au bar. Il dit que plus les gens en ont, plus ils sont sérieux et plus ils veulent te donner la réponse.

    Moi je ne suis pas sûr de ça.

    Raoul, lui, dit que c’est parce que je suis différent, je ne leur ressemble pas. Voilà pourquoi ils veulent me coller une étiquette, qu’il dit. Il dit aussi « une place dans la société » des fois. Moi je vois pas trop ce qu’il veut dire par là. Le village est pas bien grand, alors trouver de la place, c’est pas bien compliqué. Mais c’est vrai que je suis pas pareil que les gens d’ici. J’ai la peau claire et toute pâle. Et des cheveux raides et secs, toujours en pétard. Ici tout le monde est basané et fait des études. Les gens réfléchissent, inventent, construisent, créent. Ils se tiennent bien et sont fiers de ce qu’ils font. Raoul a sûr’ment raison. En tout cas, moi je pense plutôt comme lui. Miguel il est de la vieille école. De quand il fallait travailler dur pour vivre et gagner son pain.

    Mais quand même, ça m’intrigue : de quoi les gens ont peur encore ? A quoi ils peuvent bien penser pendant cette fameuse seconde ? En tout cas, c’est sûr, je continuerai à ne pas répondre et à attendre ce moment.

    Ce que je veux faire plus tard ? A quoi bon le chercher si eux le savent déjà ? A quoi bon le trouver si eux-mêmes en doute ? Je préfère rester là, à regarder les gens et chercher à les comprendre. Ces gens dont je suis si différent. Ces gens qui ne se comprennent pas eux-mêmes.


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  • Vu que j'arrive plus à écrire, je post un ancien texte, que certains reconnaîtront ptetr ;)

     

    C'était un jour de fin janvier. Un jour d'hiver selon le calendrier, et pourtant, la nature en avait décidé autrement, puisque, alors que le dernier rayon de soleil abandonnait la fontaine au coin de la rue Pierre Corneille et Jean Racine, le thermomètre affichait encore plus de <st1:metricconverter productid="17ᄚC" w:st="on">17°C</st1:metricconverter>. Deux compères asociaux avaient même finis par quitter leur écran et leur coin de chaleur pour pointer un nez dehors. Ils s'étaient donnés rendez-vous à équidistance des deux appartements, chacun voulant marcher le moins possible. Ainsi, alors que le dernier rayon de soleil allait bientôt abandonner la fontaine au coin de la rue Pierre Corneille et Jean Racine, les deux bonhommes se retrouvaient, chacun déboulant d'une rue différente. Le plus noble et, dans ce cas présent, le plus prévoyant également, avait pensé à imprimer les textes. Après deux longs mètres d'intense effort, ils choisirent un banc juste derrière la rue, au début d'un petit parc pour se reposer un peu et fumer une petite cigarette. C'est à ce moment que notre héro sortit les textes. Ils partageaient tous deux la passion de l'écriture et, malgré leur sentiment de médiocrité, ils persévéraient malgré tout dans cette voie qui les mèneraient sûrement aux plus bas fonds. Après quelques avis partagés sur leurs ébauches respectives, et quelques éléments de philosophie d'alcooliques, ils débouchèrent sur une fable fantastique et saugrenue à propos d'une poubelle publique (qui leur avait été amenée par Jean Racine). Sans trop y prêter attention, le plus étourdi des deux, et peut-être le plus apte à donner le coup d'envoi, jugea bon de se débarrasser de ce qu'ils avaient finis par juger « de véritables croûtes littéraires ». Ils partirent ainsi, laissant les deux épaves de feuilles et d'inconscience. Et, alors que le soleil venait d'abandonner la fontaine au coin de la rue Pierre Corneille et Jean Racine, ce qu'ils croyaient, innocents comme ils étaient dans ce temps, être de simples bouts de papier décrépis et ???? commençaient déjà à mettre en route l'histoire fantastique et extraordinaire qu'il va vous être conté.

     

    Ainsi, alors que la fraîcheur de la nuit fut passée, le soleil se leva plus chaleureux encore que la veille, et rayonna tant que même de simples bouts de textes ébauchés crurent à la venue du printemps. Etalés au fond d'un corbeille, à la frontière entre une fontaine éteinte et un parc ayant déjà adopté son allure somnolente hivernale, ils avaient toute la paix nécessaire pour se connaître, s'échanger des informations, des idées farfelues et fleurissantes. Et ils prirent tellement de loisir à fleurir ainsi entre ratés et exclus de grande valeur, entre orphelins d'auteur, le soleil leur donna tant de rayons perçants qui les réveillaient chaque matin, qu'ils finirent par travailler dur, à germer, à s'emballer dans de vrais projets de renaissance, des projets issus des idées de chacun, des phrases fanées et raisonnantes, des lettres ressortant du blanc froissé, de leur essence même, du papier et de l'encre. Les feuilles finirent par se raffiner, se cultiver, s'étendre, s'affiner. A force de pliage et d'effilochage, d'assemblage et de persévérance, le printemps finit par naître réellement à la frontière de ce parc et de cette fontaine, dans cette modeste corbeille. Les passants purent donc commencer à s'étonner de cette véritable impossibilité cosmique à la vue de ces avortons qui avaient pris le contrôle de leur cage de fer. Ceux-ci s'enroulaient, s'entortillaient, prenaient possession des barreaux, du couvercle, du poteau du lampadaire sur lequel ils s'appuyaient. On pouvait voir la silhouette d'un oiseau sous cet angle. Sous cet autre, un nuage apparaissait. Et là, une figure féminine. Ici un orchestre. Certains juraient même avoir vu les imitations de Racine et de Corneille qui se serraient la main. D'autres avaient entendu jouer Mozart, quand un petit vent avait osé s'aventurer dans ce labyrinthe de plis.  

     

     

    Je retourne bosser...

    Petit défi (retrouver le mot qui va le mieux avec chaque nom) :  Bürgers, Orowan et Eshelby - vecteur, ellipsoïde et boucle

    et pour les amateurs de microscope:  Fresnel, Auger et Kikuchi - électrons, lignes et lentille


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  • Le texte date un peu...mais peut-être qu'il semblera plus d'actualité pour Vince.

    J'espère que tout se passe bien en Allemagne. Oublie pas de poster ici aussi... A bientôt brother! ;)

     

    Il entre dans le bar. Salue brièvement le serveur. Le journal, une chaise, une clope. Décor en bois, quelques photos. Brel, Brassens et Ferret, c'est sa préférée. Il vient ici tous les jours, en rentrant de l'université. "This is not real life". Le café arrive. La phrase passe, comme une pensée anodine. Il sort son bloc et s'efforce de se concentrer sur ses cours. Mais il abandonne vite et sort. "I'm going to leave you". Une amie lui sourit, une autre – plus jolie - l'ignore. Dans le bus, ses yeux fixent le vague. Ce doit être un réflexe, chez les intellectuels, pour ne pas perdre leur monde inepte. Un défaut marginal ou seulement un signe de fatigue – dans le cas présent, fort probable. Un instant plus tard, une cigarette sur le balcon. Sa dernière. La solitude - pesante et encore bien trop irréelle. La première depuis un petit bout de temps. Les phrases rayonnent dans sa tête, de plus en plus nombreuses.

    <o:p> </o:p>

    On entend encore le bruit de l'avion. Déjà cette chaleur imprégnante. Déjà cette humidité ! Une petite cour de ciel bleu sépare le bolide ailé du fameux bâtiment vitré. Les fumeurs acharnés en profitent. Lui aussi ! Des regards satisfaits - comme entre frères -  passent entre ces parfaits inconnus. Sensation bizarre. Comme quoi, il suffit de dix heures de silence – ou du moins, de paisible repos – à la fraternité pour faire son apparition – dirais-je, presque naturellement.

    Les souvenirs de son voyage. Un peu au hasard. Tout de même, se rappeler du début. Comprendre l'enchaînement. Le fil rouge ! Pourquoi a-t-il été si exceptionnel ? Retrouvera-t-il ce bonheur, un jour ?

    <o:p> </o:p>

    C'était le premier jour de cours. Tiens ! Comme aujourd'hui.

    Trois jours qu'il était arrivé dans la ville. Comme aujourd'hui.

    Une jolie fille qui était arrivée en retard... - aujourd'hui aussi –

    ... et qui était venue s'asseoir à ses côtés, aussi perdue que lui dans un monde qu'aucun ne connaissait.

    La différence ! La voilà ! Le déclic, l'inconscience...libre de toutes connaissances antérieure.

    Tout réapprendre, la culture, la langue. S'attendant au plus improbable.

    <o:p> </o:p>

    "This is not real life".

     

    ...

    <o:p> </o:p>

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  • Pour reprendre le fil du pathétisme... 


         4h du matin, une nuit d'hiver. Un quartier sombre, comme isolé au milieu de la foule, dort à la faveur de la nuit. Une lumière, pourtant, semble avoir été oubliée. En s'approchant, un petit cloisonnement à peine éclairé et apparemment abandonné s'offre à notre regard. Après un instant, on remarque une silhouette, penchée sur l'unique table meublant la petite pièce. Son visage, que la faible ampoule suspendue au mur ne parvint pas à nous dévoiler, reste immobile, comme plongé dans quelques réflexions, cherchant à se confondre dans sa feuille de papier. Se distinguant du brun qu'aborde son lointain cousin qui la supporte, l'unique feuille a su rester vierge, malgré les nombreux assauts hasardés par notre homme. Dans la pièce, on peut ressentir une ambiance de sérénité et de méditation inspirant un certain respect, ainsi qu'une légère et étrange tristesse. Alors qu'un fin coup de vent fait grincer les jointures de la pauvre fenêtre, le vieil homme dessine un geste presque imperceptible. Avec un calme extrême, il saisit la plume posée sur le bord de la table et regarde la feuille. Une expression se peint sur son visage, comme s'il avait attendu pendant une éternité qu'une chose tant attendue se révèle en lui. Il espérait que la quiétude qu'il possédait autrefois revienne.


    Soudain, pris d'un éclat de fureur, il se raidit, sujet à une explosion prochaine. Un cri perça le mutisme. « Mais que voulait-elle que je fasses ? ». Le bonhomme se leva, fit quelques pas nerveux dans le petit espace à disposition avant de s'immobiliser, droit, devant la fenêtre entrouverte. Le pur silence, rétabli si brusquement, nous désorienta et nous continuâmes notre route, perplexes, à travers l'épaisseur opaque du béton. Le vieillard ayant retrouvé sa quiétude, il jeta un bref coup d'œil à la plume restée dans sa main. Il inspira profondément l'humidité de la nuit et l'absence de mouvement du quartier. Ses traits marquent, à présent, sa détermination.


    À ce moment, un chat surpris à la dérobée en train d'infiltrer une maison voisine nous révéla l'ombre d'un mouvement silencieux et fantomatique. Le vieillard l'imita pour s'évaporer et le voilà, d'un pas libre et aérien, se faufilant dans les rues, son image jouant avec les effets d'ombre et de lumière.

    Suite...


             À l'aube. À quelques kilomètres du quartier paisible. Nous ouvrons les yeux, transis, sur un paysage nouveau. Nous sommes à présent contenus dans la masse, en plein cœur des courants et autres trafics urbains. Ils se mettent lentement et immanquablement en mouvement, calqués sur l'astre brillant amorçant sa courte trajectoire hivernale. Un de ses rayons pointe justement sur nos frimousses de mulots comme pour nous sortir de notre hibernation. Avec encore la tête pleine de cotons, nous assistons aux différents tracas matinaux qu'abordent les travailleurs dès la plus jeune heure. Quelle aubaine !


    Exactement à ce moment donné, une fille sûrement innocente pose deux tasses de café brûlant sur le rebord de la fenêtre. Nous les volons au passage et, capturés par la cinétique de la foule, nous sommes amenés à nous évader au fil des rues, entraînés par un flot de végétatifs et léthargiques naissant. Nous sommes transportés ainsi jusqu'au bord de mer, où nous parvenons à nous détacher afin de profiter du soi-disant saut du lit de la grande ampoule réchauffante.


    Ainsi isolés comme dans une bulle panoramique, observatrice du monde, nous restons, paisibles, intemporels. La ville s'éveille ; Les gens s'affairent ; Les différentes fonctions s'agencent ; L'activité de la grande fourmilière reprend vie après un moment d'absence réduit au plus court possible.


    Du côté opposé de la rue marchande, un poste de télévision nous offre un spectacle interpellant. Un objet social agite ses lèvres muettes devant une image bien trop familière pour que l'on ne la remarque pas. Il s'agit du petit quartier dans lequel on se trouvait quelques heures auparavant. Au centre de l'écran, là où devrait se trouver la maison du vieillard, on ne distingue pourtant plus les murs sur lesquels, il y a si peu de temps, on pouvait trouver appui. Nous n'avons pas le temps de contempler plus longtemps cette absence, déjà l'image s'enfui, envolée dans une dimension tout autre, dans un invisible troublant. Dans la vitrine, un client remarque nos faces de rongeurs apeurés et, nous sentant découverts, nous adaptons l'air indifférent que chacun aime à se donner dans la masse.
    ganonimus!


    (musique: LesCowboysFringuants - Break syndical)

         4h du matin, une nuit d'hiver. Un quartier sombre, comme isolé au milieu de la foule, dort à la faveur de la nuit. Une lumière, pourtant, semble avoir été oubliée. En s'approchant, un petit cloisonnement à peine éclairé et apparemment abandonné s'offre à notre regard. Après un instant, on remarque une silhouette, penchée sur l'unique table meublant la petite pièce. Son visage, que la faible ampoule suspendue au mur ne parvint pas à nous dévoiler, reste immobile, comme plongé dans quelques réflexions, cherchant à se confondre dans sa feuille de papier. Se distinguant du brun qu'aborde son lointain cousin qui la supporte, l'unique feuille a su rester vierge, malgré les nombreux assauts hasardés par notre homme. Dans la pièce, on peut ressentir une ambiance de sérénité et de méditation inspirant un certain respect, ainsi qu'une légère et étrange tristesse. Alors qu'un fin coup de vent fait grincer les jointures de la pauvre fenêtre, le vieil homme dessine un geste presque imperceptible. Avec un calme extrême, il saisit la plume posée sur le bord de la table et regarde la feuille. Une expression se peint sur son visage, comme s'il avait attendu pendant une éternité qu'une chose tant attendue se révèle en lui. Il espérait que la quiétude qu'il possédait autrefois revienne.


    Soudain, pris d'un éclat de fureur, il se raidit, sujet à une explosion prochaine. Un cri perça le mutisme. « Mais que voulait-elle que je fasses ? ». Le bonhomme se leva, fit quelques pas nerveux dans le petit espace à disposition avant de s'immobiliser, droit, devant la fenêtre entrouverte. Le pur silence, rétabli si brusquement, nous désorienta et nous continuâmes notre route, perplexes, à travers l'épaisseur opaque du béton. Le vieillard ayant retrouvé sa quiétude, il jeta un bref coup d'œil à la plume restée dans sa main. Il inspira profondément l'humidité de la nuit et l'absence de mouvement du quartier. Ses traits marquent, à présent, sa détermination.


    À ce moment, un chat surpris à la dérobée en train d'infiltrer une maison voisine nous révéla l'ombre d'un mouvement silencieux et fantomatique. Le vieillard l'imita pour s'évaporer et le voilà, d'un pas libre et aérien, se faufilant dans les rues, son image jouant avec les effets d'ombre et de lumière.

    Suite...


             À l'aube. À quelques kilomètres du quartier paisible. Nous ouvrons les yeux, transis, sur un paysage nouveau. Nous sommes à présent contenus dans la masse, en plein cœur des courants et autres trafics urbains. Ils se mettent lentement et immanquablement en mouvement, calqués sur l'astre brillant amorçant sa courte trajectoire hivernale. Un de ses rayons pointe justement sur nos frimousses de mulots comme pour nous sortir de notre hibernation. Avec encore la tête pleine de cotons, nous assistons aux différents tracas matinaux qu'abordent les travailleurs dès la plus jeune heure. Quelle aubaine !


    Exactement à ce moment donné, une fille sûrement innocente pose deux tasses de café brûlant sur le rebord de la fenêtre. Nous les volons au passage et, capturés par la cinétique de la foule, nous sommes amenés à nous évader au fil des rues, entraînés par un flot de végétatifs et léthargiques naissant. Nous sommes transportés ainsi jusqu'au bord de mer, où nous parvenons à nous détacher afin de profiter du soi-disant saut du lit de la grande ampoule réchauffante.


    Ainsi isolés comme dans une bulle panoramique, observatrice du monde, nous restons, paisibles, intemporels. La ville s'éveille ; Les gens s'affairent ; Les différentes fonctions s'agencent ; L'activité de la grande fourmilière reprend vie après un moment d'absence réduit au plus court possible.


    Du côté opposé de la rue marchande, un poste de télévision nous offre un spectacle interpellant. Un objet social agite ses lèvres muettes devant une image bien trop familière pour que l'on ne la remarque pas. Il s'agit du petit quartier dans lequel on se trouvait quelques heures auparavant. Au centre de l'écran, là où devrait se trouver la maison du vieillard, on ne distingue pourtant plus les murs sur lesquels, il y a si peu de temps, on pouvait trouver appui. Nous n'avons pas le temps de contempler plus longtemps cette absence, déjà l'image s'enfui, envolée dans une dimension tout autre, dans un invisible troublant. Dans la vitrine, un client remarque nos faces de rongeurs apeurés et, nous sentant découverts, nous adaptons l'air indifférent que chacun aime à se donner dans la masse.
    ganonimus!



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  • Bonjour à tous, étant donné que j'ai obtenu grâce, à Gab surtout, mais aussi à la couleur de notre blogg, qui plaît beaucoup, les cinq commentaires dont je rêvais, je publie ici la suite de mon roman, encore sans titre. Bonne lecture. Vince

     

    Un jeune homme qui devait avoir mon âge m’attendait agrippé à son clavier d’ordinateur. Il avait les cheveux ras coiffés avec du gel, le front comme plissé par le stress et les yeux d’un vert pâle. Son nez était long et fin alors que ses lèvres crispées avaient l’air épaisses, et enfin, contrairement à moi, il était bien rasé. Il me dévisagea pendant quelques longues secondes avant de m’inviter sur un ton sec à prendre place. Je l’avais bien remarqué, avec ma chemise noire froissée, mon jeans Levi’s, et mes vieilles baskets, je n’étais pas tout à fait identique aux autres, et cela l’avait sans doute dérangé. « Bien, si vous le voulez bien, je vais sans plus attendre vous poser toute une série de questions personnelles, auxquelles je vous demanderai de répondre honnêtement et le plus rapidement possible. » m’annonça mon recruteur avant d’ajouter « il y a sept questions, vous avez une minute par question ». « Première question : que savez vous de notre compagnie, que représente-t-elle pour vous, et quelle est l’image que vous lui associez ? ». Ca c’était facile, qui ne connaît pas Edison, le numéro deux mondial de l’édition. « Edison ne possède pas moins de trois quotidiens, des dizaines de magazines hebdomadaires et mensuels, publie des  milliers de livres par année, et emploie une quinzaine de milliers de personnes à travers le globe. Cette maison représente l’avenir de… » Je fus coupé : « Vous avez fini ? Bien, deuxième question : en quoi êtes vous supérieur aux autres postulants passés avant vous ? » Cette deuxième question pourtant inévitable dans un entretient, m’avait troublé. Mon interlocuteur sembla s’en apercevoir et la répéta un peu plus fort, en détachant bien toutes les syllabes. Ne sachant pas précisément quoi rétorquer, mais conscient que ma minute arrivait à son terme je fis confiance à mon instinct. « Je suis le meilleur tout simplement. » Une perle de sueur froide me coula le long du dos. Mais dans quel merdier m’étais-je fourré ?! Il fallait être le dernier des imbéciles pour avancer un argument pareil face à ce qui semblait être le visage de l’excellence. Un sourire sadique se profila au coin de la large bouche du directeur. « Ah oui ? Le meilleur vraiment ? Mais c’est fort intéressant Mr. Lavignote. Puisque c’est comme ça je n’ai pas d’autres questions pour vous, on vous re-contactera, que votre journée soit bonne Mr. Lavignote » J’étais sous le choc, je sortis du bureau sans même le saluer, et surtout je ne me retournais pas de peur de croiser à nouveau son regard moqueur ou son sourire satisfait. Je passais en trombe devant les quelques candidats encore assis, et me dirigeais vers l’ascenseur.

    Sortant des toilettes du parking je frottais avec force la tâche de vomi imprégnée sur ma chemise. Vide, c’est le cas de le dire, je repris mon vieux tas de ferraille, et tout penaud, le regard vide reflétant le vide de mon esprit vide je rentrais chez moi.

    Je passais le reste de la journée vautré sur mon canapé à écouter analystes financiers et entrepreneurs débattre de la crise de l’eau qui pénalisait de plus en plus de grandes corporations et s’était maintenue étendue, selon les dires de ces derniers, à la toute puissante Société Générale Agricole.  C’est tout ce que je retenus de l’émission qui, et je venais de m’en apercevoir, durait maintenant depuis quelques quatre heures et demie. Fatigué, et souffrant encore d’un mal de ventre qui décidément était tenace, je me mis au lit sans même manger. Contrairement à la nuit précédente, je m’endormis à peine allongé. Je dus beaucoup bouger cette nuit là car au matin je découvris des draps encore humides de transpiration, et un édredon froissé sur toute sa longueur. Sans doute avais-je fait un cauchemar, mais je ne m’en rappelais pas et trop content d’avoir dormi si longtemps je ne cherchais pas à m’en souvenir. Je me préparais et le reste de la matinée passa très vite. Je sortis en début d’après-midi faire quelques pas dans le village. Il était l’un des derniers à être resté à son état originel, celui d’avant la Révolution, c’est pourquoi j’avais eu un mal fou à y trouver un logement. J’avais par chance été contacté, peu de temps après avoir, en désespoir de cause, glissé une annonce dans le quotidien local, par l’épicier du village, qui après la mort de sa mère mettait en vente la maison de ses parents. Les miens m’ayant laissé suffisamment d’argent avant leur départ définitif pour le continent Africain, je n’avais eu aucun mal à aligner les quelques milliers de francs que le commerçant m’avait demandé pour la vieille bâtisse.

     


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